Vendredi 20 Avril 2007 - 21h - Poste à Galène - Marseille Ich Bin Dead - Plastiscines |
Petit dilemme ce soir, pour choisir entre un concert de rock, qu'on espère relevé (Ich bin Dead & Plastiscines) et un concert de punk-rock, qu'on espère dépouillé (Vaginal Liquid - palme d'or du nom le plus abject - & Hatepinks). Mais grâce à la légendaire ponctualité de la Machine à Coud', on peut raisonnablement espérer voir un peu des deux, surtout si le Poste y met de la bonne volonté.
Rendez-vous donc au Poste à Galène (curieusement plein mais pas bondé) pour répondre à trois questions très importantes (pour un chroniqueur rock du moins) :
- Ich bin Dead est-il encore monté en puissance depuis notre précédent et prometteur concert avec eux, quand on avait (naïvement) cru se débarrasser des Ratakans ?
- Plus important encore : les Plastiscines étaient-elles à 100 % de leurs capacités quand elles ont enregistré leur bien nommé L.P. 1 dont une petite moitié des chansons nous a plu, peuvent-elles faire aussi bien - ou même, soyons fous, mieux - en live, ou vont-elles faire "pshitt" ?
- Et du coup la question subsidiaire, peut-on encore faire confiance à Rock'n'Folk qui les a pétées en couv', ce qui par ricochet nous amène à nous demander si vraiment Philippe Manoeuvre is a piece of shit comme ils le prétendent, ou si les ne seraient pas plutôt un peu Sick in the Head, les Hatepinks ?Acte I / Ich bin Dead : du rock pour swinguer névrotiquement !
Avec une classe devenue innée, le gang de flingueurs polygroupiques bien connus déboule au compte-goutte : Rudy, guitare n° 1 et son pantalon affuté (mon dieu, jusqu'où ira-t-il, il porte des Santiags !) attaque en premier, puis Pascal, guitare n° 2 et son petit chapeau claque, Mat le batteur névrotique et sa chemise noire brillante le rejoignent. Et enfin la pièce maîtresse, Axelle la chanteuse, un bloc de sensualité revêche aux gambettes si longues qu'elles sont déjà dépliées devant le micro avant même qu'elle ne soit sortie du backstage.
Le groupe commence avec The Way I Feel, rythmiquement calme, mais avec un son lourdement garage et une voix énervée, ce qui se confirmera avec un deuxième titre déjà plus saignant, Pussynetta is allright. Il faut dire que la section rythmique sugarmatesque s'applique à tabasser ses fûts avec une belle énergie, sans fioritures inutiles, tandis que le jeu à deux guitares est une bonne idée, qui donne au groupe un son pop/garage et une belle énergie riff/solo (qui permet à Rock'n'Rud de faire valoir des talents un peu occultés dans d'autres groupes de jeunes poseurs où il n'est que bassiste - idem pour Pachuco d'ailleurs - ben merde tiens, je crois que je viens de découvrir fortuitement la raison de la création d'Ich Bin Dead...).
L'énergie de la voix, sensuelle et agressive tout à la fois, rappelle tour à tour celle de la Courtney Love des débuts (les cheveux y sont sans doute pour quelque chose), celle de ce groupe de gonzesses qui monte et au nom ô combien classieux ('You Say Party, We Say Die', à découvrir), et parfois même celle de Polly Jean Harvey, la créature la plus sexy que le rock'n'roll ait enfanté.
Je ne ferai croire à personne que je connais vraiment les titres mais un accès visuel à la playlist me permet de flamber quand même : le groupe vient se frotter au public dans cette lumière rouge (qui les caractérise) sur What do You want Me, la créature et ses sbires mettent le feu aux poudres sur Dégage (un peu Plastiscine style, tiens, non ?) et plus encore sur Conte de Fées, morceau disco-punk carrément enthousiasmant. Et puis, oser chanter du rock en français, c'est l'un des seuls groupes locaux à s'y frotter, alors respect.
Autre morceau tubesque en puissance, l'explosive Happiness Pills où les genoux de Rudy commencent à se toucher, signe chez lui d'un plaisir intense, qui se poursuit sur Borderline, version alternative yéyé-punk à celle de Katerine. Le groupe quitte une salle déjà bien chauffée sur un Warsaw raisonnablement violent, plutôt que de déclencher des échaufourrées. Réponse à la question n° 1 : Oui, Ich bin Dead est encore monté en puissance, en se construisant une identité propre, et il semble même qu'ils en ont encore sous la pédale. Total classe - peu importe la suite, la soirée n'est déjà plus vraiment ratable !
Acte II / Plastiscines : du punk-pop acidulé et frais !
Le disque des Ramones étant manifestement coincé dans la machine, on continue à l'écouter pendant une (longue) mise en place par un roadie méthodique, sauf de la batterie installée par sa pratiquante - c'est plutôt bon signe. Mais attention, roulement de tambour, l'heure est grave : il va falloir juger sur pièces, sans le filtre dithyrambique habituel de journalistes parisiens en plein revival des 60's (et de leurs vingt ans), de ce qu'on nous a vendu comme étant un possible renouveau de la scène française. Autrement dit, rédiger le premier décryptage clinique d'un phénomène qui, vu de p------e, parait en partie sur-vendu. Notre réputation est en jeu, c'est décidé, ces jeunes filles de bonne famille n'auront droit à aucune pitié !
Dès leur arrivée (sans façons, c'est déjà ça de pris), les mâles massés devant la scène seront les premiers à constater, pendant une intro instrumentale convaincante (Pop In / Pop out) que oui, Katty, Louise, Marine et la petite dernière, Caroline (on ne connaîtra donc jamais Zazie qui ne leur a laissé que sa bicyclette), les Plastiscines sont plastiquement aussi ravissantes que prévu, toutes franges en avant, dans leurs habits siglés/cintrés de jeunes filles soi-disant sages. Passé ce préambule certes machiste - mais objectivement inévitable, parlons musique voulez-vous ?
Dès Alchimie, on fait une important constat qui restera vrai tout le concert : comme on l'espérait à l'écoute de leur disque, les filles développent un son bien plus rock que pop, flirtant même joyeusement avec le punk, qui multiplie le potentiel de leurs chansons, y compris les plus faibles sur disque. Et il faut bien reconnaître que Shake met d'ores et déjà le feu (en déclenchant un premier slam), ainsi que Rake : Katty et Marine assurent à la guitare des riffs basiques mais maîtrisés, la bassiste est métronomique, la batterie assurée, et en plus le son est très classe.
Certes sur certains points le groupe est encore un peu jeune scéniquement - les enchaînements seront encore à travailler (quelques hésitations cocasses, une chanson démarrée un ton trop haut par exemple) et une chanteuse qui chante parfois un peu loin du micro. Pour tout dire, sans doute, une timidité bien compréhensible ! Petits défauts pardonnables quand on voit à quel point Zazie fait de la Bicyclette, déjà marrante en disque, devient une superbe bombinette garage-pop grâce à un son opportunément plus sale... et l'on y constate que la guitariste assure parfaitement l'intérim vocal.
Même le single B52's-like un peu faible, Loser, passé au filtre du live, réussit son examen (avec un figurant mâle dansant sur scène, ça le fait d'autant plus !), No Way ne me convainc toujours pas mais par contre, l'enchaînement punk-rock Lost in Translation / Under Control est lui tout à fait jubilatoire - une marée de jeunes pogoteurs commence à brasser la salle et je me rends à l'évidence : merde à dieu, tant pis, j'ai ma réponse n° 2 et sans jeu de mots : les Plastiscines sont vraiment bonnes !
Human rights finit de rendre fous les kids tandis que même les plus blasés des poseurs, amis et membres du premier groupe tanqués au bar, sont obligés de trembler significativement du genou ou de la tête : ces gamines savent déjà bien tenir une scène, et une salle ! D'ailleurs la nouvelle chanson qu'elles tentent, en confiance (Another Night d'après la play-list), dialogue énergique entre les chanteuses, est tout à fait enthousiasmante. Une non moins dynamique Hey Mister Driver conclut le set tandis que la jeunesse se frite toujours joyeusement la couenne dans la fosse.
C'est donc du bar que je verrai le rappel, dont elles auraient pu avoir la classe de nous priver puisqu'elles ont déjà joué 45 minutes : une reprise un tout petit peu molle mais sympa d'une chanson de Nancy Sinatra qui leur va bien (These Boots are made for walking, bien sûr...), un deuxième Loser pour le prix d'un. Alors, conquise la critique rock locale ? Ben ouais, conquise.
Et prête à l'assumer, même : quoi qu'il en soit on ne laissera plus personne dire que ce sont de "piètres musiciennes" : l'auteur de cette phrase malheureuse, un journaliste pourtant respectable, fait d'ailleurs amende honorable dès la fin du concert en reconnaissant qu'il a passé un très bon moment. On quitte le poste tout à fait euphoriques, tandis que les baby-dolls, pas farouches, tapent la discute avec du public dehors et même, faut bien frimer un peu quand même, signent des autographes contre leur minibus. Bonne route à vous, mesdemoiselles !
Live report paru initialement sur Live in Marseille.
Philippe
Photos : Pirlouiiiit (Plastiscines) & Céline (Ich Bin Dead)
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