C'est
un matin un peu pourri. Mon premier réflexe dans ces cas-là,
c'est de lancer le café. Puis vient le choix de la musique,
enfin l'occasion d'écouter l'album des Rescue Rangers.
Entrée tour à tour douce puis graveleuse, les accords
acerbes et grisants de Sounds of the Katana
m'entraînent, lentement mais sûrement, dans une dégustation
exquise. La voix légèrement éraillée du
chanteur, le son caverneux des instruments me poussent à m'enliser
dans mon fauteuil, tant pis, ce matin je serai en retard. Le voyage
se poursuit avec Hassan Sabbah, dont
les sonorités m'incitent à lancer l'ordi, puis google.
Soupçons confirmés, on conserve cette sensation de sable
chaud le long de l'écoute, avec un terme évoquant le
golf persique. Le café me brûle le palais, seule liaison
avec le monde tangible. Les riffs et solos explorent la mélancolie,
la basse et la batterie ajoutent la gravité, et toujours cette
voix lanscinante.
Changement de morceau, Annoyed me transporte
subitement dans le désert d'Arizona, cette fois-ci je m'imagine
dans une vieille caisse pourrie, capote ouverte, à rouler au
maximum, totalement grisé et déshinibé. Ca me
prend aux tripes, je ferme les yeux, je relance google, bordel faut
vraiment qu'un jour j'aille en Arizona. Le son est de folie, le mec
au mixage (Alan Douches @ West west side Music, New-York) a pas chômé,
paraît-il qu'il aurait enregistré des méga-pointures
telles Mastodon, Sepultura ou encore Hatebreed. En tout cas, à
l'écoute, on ne saurait mettre en défaut ses talents
de mastering.
Black as Bastet cartonne à toute
vitesse, grosse décharge d'énergie qui fait monter la
tension, tandis que Guitars and Dust Dancing,
avec son entrée douce et mélodieuse, me replonge instantanément
dans la griserie. Ce morceau, c'est une balade romantique, sans l'aspect
mièvre. Que du bon, aucune agressivité, du coup mon
entrée sur google c'est « adopteunmec », faut que
je trouve une nana à emballer sur ce morceau. Puis vient Spear.
J'enfile mes fringues à toute allure, tandis que la musique
me dicte un jean et une paire de Converse bien usés. Les accords
défilent à toute vitesse et bordel, c'est décidé,
je ne partirai pas sans avoir écouté l'album au complet.
Pour Scary Black Holes on retombe sur
ce qu'on appelle communément un « morceau joker »
: avec ce titre -et si vous ne ressemblez pas à Steve Urkle-,
n'importe quelle gonzesse présente à vos côtés
ne pourra vous résister. Il fera de vous l'homme le plus romantique
de la planète, l'espace de cinq minutes.
In Cathedralica me scotche sur place...
Entrée en matière à la disto calme, planante,
qui fait place à du lourd, du très très lourd
: c'est gras et fin à la fois, violent et arrondi, la force
et la rage des instruments s'affrontent admirablement à la
voix qui flirte avec le lyrique. Les instruments à corde retombent
peu à peu, tandis que la batterie garde un rythme de fond infernal,
l'air est hypnotique et je me rends compte qu'à nouveau, je
suis assis sur ce putain de fauteuil, à écouter un disque
plutôt qu'à filer travailler.
Alors que je rêvasse doucement sur des accords là encore
ennivrants, un hurlement me fait bondir. Le titre King
Cobra est assez révélateur sur la texture du
morceau : tandis que l'on sombre dans une douce torpeur à la
manière d'un charmeur de serpent, le réveil est des
plus « puissants », un déluge bref et intense qui
vous fait hausser significativement le rythme cardiaque. L'intensité
retombe peu à peu, et tandis que je rassemble mes affaires,
le dernier morceau de l'abum se met en route.
Riffs viscéraux et qui sentent le sable. « Nothing tears,
nothing fears, nothing brakes » résonne, et c'est tout
votre côté sombre qui émerge lentement. The
Scorpion Deathlock est un morceau qui vous fait foncer droit,
conditionné par les hurlements du chanteur, puis par un larsen
final, qui clôt en apothéose l'album.
Tandis que je fonce au boulot,
je médite sur l'album : vous l'aurez deviné, je suis
totalement conquis. Guitars and Dust Dancing est un panel complet
d'émotions, de ressentiments, une décharge de sensations,
le tout porté par un son irréprochable. Parce que, certes,
il est évident que je ne suis pas un expert en Stoner, en musique,
en technicité. Mais justement ici, et c'est là que la
magie opère, les accords sont avant tout un feeling, un ressenti.
Les Rescue Rangers s'inscrivent avec ces dix titres comme l'une des
références d'un paysage marseillais décidément
bien complet et varié. Ils ne méritent désormais
plus qu'une chose : la reconnaissance à très grande
échelle. Et avec un album de cette qualité, on ne peut
qu'être confiant. Vivement la suite.
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